Des relations en développement

L’aménagement des terrains situés très près des voies ferrées peut entraîner des risques imprévus pour la sécurité, entre autres problèmes. Comme l’explique Cynthia Lulham, directrice de projet de l’Initiative FCM-ACFC sur les questions de voisinage, une approche adéquate des questions de voisinage entre les chemins de fer et les communautés peut éviter des problèmes et surtout, améliorer la sécurité ferroviaire.

Il est crucial de trouver un équilibre sécuritaire et harmonieux entre les voies ferrées et les communautés qu’elles traversent, dans l’intérêt des municipalités comme des chemins de fer. Cet important message, l’Association des chemins de fer du Canada (ACFC) et la Fédération canadienne des municipalités (FCM) le propagent depuis 2003 par leur initiative conjointe sur les questions de voisinage.

Cette initiative vise globalement à prévenir l’apparition de problèmes entre les chemins de fer et les résidents. Elle est pilotée par un comité d’élus et de hauts représentants de chemins de fer de partout au Canada qui conçoivent ensemble des stratégies visant à réduire les malentendus, à améliorer la sécurité et à éviter les conflits de voisinage inutiles. Par la diffusion des Lignes directrices applicables aux nouveaux aménagements à proximité des activités ferroviaires (un document de planification municipale contenant notamment des pratiques exemplaires), l’initiative a contribué à créer des ponts entre les chemins de fer et les résidents, et à atteindre des buts communs profitables aux parties.

En 2003, la FCM a demandé à Cynthia Lulham, conseillère de Westmount, au Québec, de la représenter à titre de première coprésidente du Comité directeur de l’Initiative sur les questions de voisinage. Vu le succès et l’ampleur qu’a pris l’Initiative, Mme Lulham s’est vu nommer directrice de projet, un rôle qu’elle assume depuis maintenant 10 ans. Dans le cadre de ses fonctions, elle rencontre des associations et des planificateurs municipaux pour discuter des questions de voisinage et faire valoir l’importance d’entretenir de bonnes relations entre les municipalités et les chemins de fer, entre autres responsabilités.

Mme Lulham s’est entretenue avec Interchange des questions de voisinage entre les chemins de fer et les communautés, des récentes activités de l’Initiative et plus encore.

Interchange : Pour commencer, que sont les lignes directrices sur les questions de voisinage de la FCM et de l’ACFC, et à quoi servent-elles?

Cynthia Lulham : L’Initiative FCM-ACFC sur les questions de voisinage a publié en mai 2013 les Lignes directrices applicables aux nouveaux aménagements à proximité des activités ferroviaires, une version révisée des Lignes directrices et meilleures pratiques lancées en 2003. Ce document a pour but d’aider les municipalités et les chemins de fer à réviser et à élaborer des politiques d’aménagement générales pour les terrains situés près d’installations ferroviaires. Il établit aussi un processus pour formuler des recommandations et rendre des décisions particulières à un site, afin d’atténuer les incompatibilités des utilisations du sol dans les environs des sites ferroviaires. L’un des éléments phares de la nouvelle édition est un modèle de processus d’examen des nouveaux aménagements résidentiels, des aménagements sur terrains intercalaires et des conversions à proximité des corridors ferroviaires.

Interchange : Pourquoi est-il nécessaire d’avoir des lignes directrices qui fixent la distance de sécurité entre les aménagements et les voies ferrées en service?

Cynthia Lulham : Nous avons besoin de systèmes de planification qui prévoient et gèrent plus efficacement les questions de voisinage, et facilitent mieux la croissance des municipalités et des chemins de fer. Une bonne planification favorise l’efficacité des réseaux de transport et prévient les problèmes de sécurité, de bruit et de vibration. Cependant, beaucoup de municipalités canadiennes n’ont pas de politiques d’examen de l’aménagement complètes ou cohérentes. Les règlements et les stratégies de gestion des questions d’utilisation du sol à proximité des chemins de fer varient grandement d’une municipalité à l’autre et sont trop peu détaillés en général. En particulier, on remarque le besoin d’un nouveau processus pour les propositions d’aménagement résidentiel, spécialement celles qui comprennent la conversion de terrains à usage commercial ou industriel ou qui visent des terrains intercalaires étroits.

Interchange : Quelles sont les mesures d’atténuation couramment utilisées pour faciliter le voisinage entre les chemins de fer, les bâtiments et la population?

Cynthia Lulham : Les marges de recul créent un espace tampon et permettent la dissipation des émissions, des vibrations et du bruit produits par les activités ferroviaires. On peut aussi y installer une barrière de sécurité. Ces distances séparant les zones résidentielles des gares de marchandises servent à atténuer les incompatibilités fondamentales entre les utilisations du sol, c’est d’ailleurs pour ça qu’on recommande d’au moins respecter les mesures d’atténuation minimales pour les nouveaux aménagements. La distance de séparation contribue aussi à réduire les conséquences possibles des incidents ferroviaires, ainsi que le bruit et les vibrations. Pour renforcer la protection contre les conséquences physiques d’un déraillement, on peut aménager des bermes de terre [monticules de terre comprimée] qui atténuent également le bruit des roues et des rails. Elles réduisent aussi la hauteur et le coût des barrières acoustiques en général et constituent une utilisation judicieuse de la terre d’excavation des fondations.

Interchange : Comment une conception adéquate peut-elle contribuer à réduire le bruit?

Cynthia Lulham : De nombreux effets négatifs du bruit des trains peuvent être évités ou réduits au minimum par de bonnes pratiques de conception. Si on réfléchit bien à l’emplacement et à l’orientation des bâtiments ainsi qu’à leur configuration interne, on peut limiter l’exposition au bruit des pièces sensibles. Par exemple, dans les aménagements sur terrains intercalaires et les conversions, les chambres devraient être placées du côté non bruyant du bâtiment. La construction d’un socle et l’aménagement d’un garage de stationnement ou de la salle de sport au rez-de-chaussée permettent aussi d’éloigner les logements de la source de bruit. Enfin, les fenêtres, les portes, la ventilation et les matériaux extérieurs appropriés constituent tous des écrans acoustiques.

Interchange : Quel est le rôle de la créativité dans la construction et les projets sur terrains intercalaires?

Cynthia Lulham : On voit aujourd’hui beaucoup de projets de conversion et d’aménagement intercalaire urbains sur des terrains adjacents aux corridors ferroviaires qui ne prévoient aucun mur de protection ni aucune mesure d’atténuation du bruit et des vibrations. Cette façon de faire entraîne des problèmes de sécurité et des plaintes pour les municipalités et les chemins de fer. Les projets de conversion et d’aménagement intercalaire sont une bonne façon de densifier nos centres-villes et d’y ramener des résidents, mais les méthodes de construction doivent régler les problèmes de voisinage comme la sécurité, le bruit et les vibrations.

 

Interchange : Les vibrations sont-elles un problème grave? Comment peut-on y remédier?

Cynthia Lulham : Comme pour le son, les effets des vibrations sont propres au site et dépendent de nombreux facteurs, comme le type de sol et l’état de la subsurface, la fréquence et la vitesse des trains ainsi que le volume et le type de marchandises qu’ils transportent.

L’atténuation des vibrations coûte très cher. Elle est donc plus appropriée aux grands aménagements où les économies d’échelle sont importantes. La mesure la plus économique est l’aménagement de marges de recul.

Interchange : Comment les administrations municipales et les gouvernements provinciaux peuvent-ils assurer la sécurité ferroviaire par la planification de l’utilisation du sol?

Cynthia Lulham : On constate un manque de détails et de cohérence dans les politiques, les règlements et les marches à suivre encadrant l’examen des projets d’aménagements et la prise de décisions sur l’utilisation du sol à proximité des chemins de fer. L’utilisation du sol relève des gouvernements provinciaux, qui devraient assurer l’uniformité quant à la sécurité, à la durabilité et à l’habitabilité dans tout le Canada. L’adoption des lignes directrices de la FCM et de l’ACFC dans les plans provinciaux puis municipaux fixerait un cadre permettant de prévoir et de gérer plus efficacement les questions de voisinage, et de mieux faciliter la croissance des municipalités et des chemins de fer. Une bonne planification favorise l’efficacité des réseaux de transport et prévient les problèmes de sécurité, de bruit et de vibration.

Interchange : En général, les lignes directrices de la FCM et de l’ACFC sur les questions de voisinage ont-elles été bien accueillies et mises en œuvre?

Cynthia Lulham : En janvier 2015, la Ville de Montréal est devenue la première grande agglomération urbaine au Canada à intégrer les Lignes directrices applicables aux nouveaux aménagements à proximité des activités ferroviaires à son plan d’aménagement pour toute l’île. Dix autres grandes villes au pays les examinent et plus de 175 autres municipalités les ont adoptées ou les utilisent dans leur processus d’octroi de permis. Le ministère des Relations gouvernementales de la Saskatchewan a entrepris de consulter les parties prenantes sur des modifications possibles de sa Planning and Development Act, 2007; l’aménagement à proximité des voies ferrées étant l’un des quatre sujets au programme. Nous avons fait des présentations et remis un mémoire au ministère. En modifiant cette loi pour y intégrer les lignes directrices, le gouvernement saskatchewanais se fait ambassadeur de la sécurité ferroviaire et de la planification de l’utilisation du sol, et améliore de manière uniforme la sécurité et la qualité de vie de toutes les collectivités de la province. L’Initiative sur les questions de voisinage a aussi participé à l’examen de la Municipal Government Act de l’Alberta, en soutenant l’ajout des lignes directrices aux modifications.

Interchange : Que reste-t-il à faire?

Cynthia Lulham : À partir de 2017, nous axons nos efforts sur la modification des politiques provinciales d’utilisation du sol, la poursuite de la collaboration avec les gouvernements de la Saskatchewan et de l’Alberta, et l’amorce de discussions avec ceux du Manitoba, du Québec et de la Colombie-Britannique. Il a été entendu que les lignes directrices soient révisées en 2017. Nous avons donc demandé aux villes de Montréal et de Calgary ainsi qu’au groupe de travail sur la sécurité ferroviaire de la FCM de nous pointer les parties à clarifier ou à détailler. Le groupe de travail des lignes directrices examine leurs commentaires et recommandera des modifications au Comité directeur cet automne.